Raisins et mie de pain

 On est repartis pour une nouvelle connexion. Pour s'éveiller à nouveau dans un lieu à la fois familier et inconnu. C'est  très étrange cette sensation d'être étranger, mais de se sentir quand même à la maison. Y'a toujours eu un peu de ça, n'est-ce pas ? Juan, il est relativement à l'aise n'importe où, mais pas invité pour autant. Ca lui colle à la peau cette impression de ne pas être désiré, pas attendu. Et encore cette fois, on n'est pas venu le chercher, il s'est porté volontaire.
Qui se porterait volontaire pour un combat perdu d'avance ? L'a toujours été optimiste. C'est surement ce qui lui a maintenu la tête hors de l'eau toute ses années. La vie est pas simple. Le futur est décourageant. Peu on des objectifs. Peu font vraiment quelque chose d'autre hormis la survie. Les Hommes sont livrés à eux mêmes, et quand la solution apparaît sur un plateau d'argent, elle est détruite d'un simple revers de la main. Juan n'a jamais détesté quelqu'un autant que celle qui lui a volé ses rêves.
CC. Une plaie. Une folle. Une individualiste, une étroite d'esprit qui n'accepte pas les pensées des autres.
C'est p'tete ça son problème à Juan, l'est trop gentil. Trop humble.
Trop utopiste.

Ses pas l'emmènent dans un endroit qu'il n'a pas encore visité. L'impression qu'il lui faudrait des années avant de découvrir tout ce que ce dédale a à offrir. Combien sont-ils exactement à arpenter les couloirs, à la recherche d'un infime indice sur la voie à suivre ? Juan est convaincu qu'il ne sait pas tout, qu'Ils dissimulent des informations. Si Juan est utopiste, il s'est toujours montré méfiant avec tout et avec tout l'monde. On ne peut compter que sur soi-même en ces temps troublés, c'est sans doute ce qui le désole le plus. Il entre dans une immense pièce, des tables carrées sont posées ici et là. Y'en a beaucoup, pas envie de les compter. Ce qu'il remarque immédiatement, c'est le gargantuesque buffet offrant du sucré comme du salé pour l'heure du petit-déjeuner. Jamais il n'a vu un festin pareil. Il lorgne sur chacun des mets avec envie, bien conscient pourtant que cette nourriture n'existe pas. Elle semble si vraie, si délicieuse ! Juan salive. Bras tendu, main ouverte, il arrache un raisin blanc de sa grappe. Il n'en n'a jamais goûté. Il roule le fruit entre ses doigts, s'étonne de la douceur de sa peau avant de le poser contre ses narines pour le renifler. Pas d'odeur. Pose ensuite le raisin sur ses lèvres, tente de s'habituer à ce contact. Peux-t-il quand même le manger ? Il en a envie. Le sucre l'appel. L'envie est trop forte. Il sursaute lorsque la porte derrière lui s'ouvre. Juan fait volte-face, coince le fruit dans son poing, caché dans son dos.  Un inconnue entre dans la salle de réception avec pour unique accueil, un visage de culpabilité face à elle.
Tout ça pour un putain de raisin.